- j'étais en fait, sous le couvert de la Direction Générale du groupe, juge et
partie, étant l'adjoint du Directeur de l'un des deux centres,
- " notre " centre était doté d'un gros ordinateur totalement amorti en
comptabilité générale, contrairement à celui de l'autre centre " concurrent ".
L'anecdote aurait pu s'arrêter là si mon patron de l'époque, dont je garde par
ailleurs un excellent souvenir, ne s'était pas entêté à vouloir que la présentation
que nous allions faire devant le comité de direction en vue d'une prise de décision de la plus haute importance, le soit sur la base de l'amortissement comptable. Autrement dit, sans détour : " notre production informatique était gratis, ce qui
bien entendu n'était pas le cas de ces pauvres besogneux d'en face ! ".
Je ne me rappelle plus exactement bien tous les faux prétextes que j'ai dû
utiliser au niveau des erreurs de frappe, des mélanges de documents, pour me justifier lorsque le Directeur général m'a proposé en pleine réunion de parier
mon salaire sur le bien fondé ou non de notre analyse économique ...
2°) J'accompagnais un client intéressé par le rachat d'une entreprise de
mécanique, sous-traitante, comme tant d'autres, pour les secteurs de
l'automobile et de l'avionique.
Après un audit technique de l'atelier, effectué par ses soins, et concluant au
bon état des différentes machines, nous rejoignons le chef d'entreprise
"vendeur" dans son bureau. Celui-ci me tend alors les comptes de l'entreprise,
non sans dire avec une pointe de fierté : " comme vous le verrez, c'est une très bonne affaire, les machines sont complétement amorties ", ce qui, en toute
bonne foi de sa part, signifiait : cette entreprise dégage de beaux bénéfices !
Je demandais alors à voir un exemple d'appel d'offres. Je découvris en
dernière page un document à remplir, intitulé " état détaillé du parc matériel :
nom, type, année ... ".
Certes, les machines pouvaient encore fonctionner quelques années, tout en satisfaisant aux normes fixées par les clients.
Mais le piège n'était pas là : les constructeurs donneurs d'ordre procèdent régulièrement à des audits des entreprises sous-traitantes, en vue d'examiner notamment le parc des machines utilisées. Que vaudrait alors l'argument sur le caractère encore opérationnel de notre parc face à des clients qui nous opposeraient le fait que nos concurrents utilisent des machines d'une technologie plus avancée ? Et, tout bien considéré, cette remise en cause serait plus salutaire pour l'entreprise qu'une situation dans laquelle elle serait éliminée sans grande explication par les donneurs d'ordre au vu d'un critère " état et ancienneté du parc machines ".
Mais le lecteur qui serait encore à ce stade dubitatif va penser que ces
exemples sont le point de vue d'un expert parmi tant d'autres, qui a pu par
ailleurs assombrir les faits. Je ne résiste pas à la tentation de vous soumettre
un autre exemple, relevé à la lecture de la presse et auquel je suis totalement étranger :
( Les Echos, décembre 1998 )
Optimisme pour l'usine de Corbeil-Essonne
Rendu incertain par les pertes enregistrées dans les semi-conducteurs du fait de l'effondrement du prix des mémoires, l'avenir de l'usine qu'IBM et SIEMENS détiennent à Corbeil- Essonne est " en bonne voie ", a indiqué hier Heinrich von Pierer, PDG de SIEMENS. Parmi les solutions possibles figurent sa spécialisation sur les circuits logiques, plus rémunérateurs.
Selon un dirigeant, l'avantage du site de Corbeil, qui compte 1 600 employés est qu'il est " peu coûteux ", car complètement amorti. Tel n'est pas le cas de North Tyneside ( GB ), inauguré en grande pompe en 1997 et pour lequel des négociations sont en cours avec un groupe chinois. |
On n'en croit pas ses yeux ! ce " dirigeant " a bien fait de conserver l'anonymat.
Il a perdu une bonne occasion de se taire, à moins que ... il ne fut chargé
d'endormir les esprits avant l'annonce d'une suite beaucoup moins idyllique.
Suite qui ne tarda pas :
( Les Echos, avril 1999 )
IBM Corbeil-Essonne : société commune avec SIEMENS
et suppression de 1 150 emplois
IBM a décidé de restructurer en profondeur son site de production de CORBEIL, afin de restaurer une profitabilité mise à mal par la forte baisse du prix des mémoires. La Direction de la filiale française a présenté aux partenaires sociaux un projet industriel qui prévoit la création d'une société commune avec SIEMENS et de nouveaux investissements ( de l'ordre de
3 milliards sur trois ans ), ainsi qu'une forte réduction des effectifs du site ( 40 % ).
Les deux sociétés entendent faire évoluer la production de l'usine vers les techniques les plus récentes ( DRAM 256 mégabits, métallisation cuivre..). |
Tous ces exemples ont pour but de nous rappeler que :
- tout usage d'un bien a un coût, indépendamment de celui transcrit dans le
système comptable,
- ce coût n'est pas uniquement fonction de l'usure physique du bien mais de l'environnement dans lequel l'entreprise évolue : technologie, concurrents,
clients, fournisseurs ....( au sens de Porter ),
- un coût d'usage notoirement sous-évalué peut entraver gravement certaines décisions de renouvellement ou d'investissement, d'une importance pourtant majeure pour l'entreprise.
Jacques NAU